Petite histoire: Le prochain pape, Numa Pompilius, Jules César et Twitter

JR

Pontifex Maximus, un titre qui remonte à loin.

Joseph Aloisius Ratzinger renonce au titre de souverain pontife et évêque de Rome. Bravo. Quelque soit le jugement que l’on porte sur ses fonctions et sur la façon dont il s’en est acquitté, quiconque travaille encore à l’âge de 85 ans a droit à sa retraite.

Au cours des prochaines semaines, on entendra beaucoup parler de la sélection de son remplaçant et de l’histoire des papes, remontant jusqu’à Saint Pierre.

Pourquoi s’arrêter à Saint Pierre alors que l’on peut aller sept siècles plus tôt, jusqu’à Numa Pompilius?

Numa était le deuxième roi mythique de Rome, qui a succédé au fondateur légendaire de la ville, Romulus. Oui, Romulus est bien connu pour avoir été élevé par une louve avec son frère Rémus, qu’il a subséquemment tué pour avoir franchi la limite de son terrain… le fait qu’il fasse l’objet d’une légende ne veut pas dire qu’il n’a jamais existé, ok?

Après le règne plutôt turbulent de Romulus, Numa était plus reposant. Du genre à fréquenter les colombes plutôt que les loups. Entre autres choses, il a plus-ou-moins inventé la religion romaine et est devenu le premier grand-prêtre de la nouvelle communauté, un poste nommé Pontifex Maximus. Le titre est octroyé à vie, mais pas de façon héréditaire. Sous la république romaine puis sous l’empire, le récipiendaire du titre est plutôt élu par le collège de prêtres le plus prestigieux.

Peu de gens aujourd’hui connaissent Numa, mais plusieurs personnages célèbres ont porté le titre de Pontifex Maximus. Celui ayant fait couler le plus d’encre est certainement Julius Gaius César. À l’époque comme maintenant, un Pontifex Maximus servait jusqu’à son décès. Comme étoile montante du milieu politique romain, Julius souhaitait ajouter le titre de chef de l’église à son CV, pour des raisons politiques et fiscales. Le problème était que le détenteur du titre, Quintus Caecilius Metellus Pius, faisait preuve d’une longévité remarquable. Certains historiens ont noté la patience inhabituelle de Julius à cette occasion : il a attendu que le patriarche laisse le poste pour cause de mort naturelle à l’âge de 67 ans (à une époque où on recevait sa carte de l’âge d’or autour de 45 ans) avant de passer à l’action, en 63 avant J-C. Jules a alors saisi sa chance et tout l’argent qu’il a pu emprunter pour financer sa campagne et soudoyer les membres du collège des pontifes, qui choisissaient le Pontifex Maximus. Heureusement pour ses finances, le nombre de prêtres faisant la sélection était limité à moins d’une dizaine, alors que le successeur de M. Ratzinger sera choisi par plus d’une centaine de cardinaux (j’ai lu 118 quelque part). Julius avait alors 35 ou 37 ans, dépendant de votre théorie préférée concernant la date de naissance de celui qui allait plus tard régner sur le monde romain. On sait qu’il n’a pas eu la vie aussi longue que son prédécesseur Caecilius, à cause de cet accident impliquant une bande de sénateurs, son meilleur ami et 23 coups de couteau.

Petite parenthèse : vous ne le savez peut-être pas, mais Julius est aussi l’auteur d’un des grands best-sellers de l’antiquité : La guerre des Gaules, qui se lit encore très bien aujourd’hui, dans plusieurs langues. Je ne lis pas le latin, mais mon ex-collègue François Boileau a traduit l’ouvrage dans ses cours. De nous deux, François est d’ailleurs le seul à avoir étudié cette période de l’histoire avec attention, je l’invite donc à me corriger si j’écris des bêtises…

Pour finir l’histoire… Le poste de Pontifex Maximus a été intégré à la description de tâche de l’évêque de Rome en 376 après J-C. D’une certaine façon, c’est la fin de la destruction du culte romain par la nouvelle église chrétienne.

Ou est-ce plutôt le contraire?

Sous bien des aspects, les premiers chefs du culte chrétien ont adapté leur enseignement pour qu’ils s’inscrivent dans la dynamique religieuse romaine. Saul de Tarsus (St-Paul) y a beaucoup contribué, ses liens avec l’aristocratie romaine lui donnant à la fois la motivation et la capacité d’adapter une religion juive à la sauce multiculturelle romaine. On trouvait à l’époque des critiques juifs qui argumentaient contre cette appropriation de Jésus par la religion romaine, un débat qui s’est poursuivi pendant quelques siècles et que les partisans de la romanisation de la chrétienté ont largement gagné.

Traditionnellement, le culte romain est remarquablement accueillant. Les divinités étrusques ont d’abord été adoptées (entre autres la déesse Junon, qui nous a donné notre mois de juin), puis le panthéon grec pratiquement au complet. L’Empire romain s’est par la suite approprié divers cultes orientaux, dont celui des apôtres de Jésus. Admettons que celui-là est devenu un gros morceau à avaler, notamment pour les lions du cirque… Mais il est finalement passé, devenant la religion officielle de l’Empire.

Lorsque le nouveau chef de l’église catholique sera choisi le mois prochain, il s’agit donc tout autant du successeur de Numa et de Jules César que celui de Saint-Pierre. Redde Caesari quae sunt Caesaris.

Deux derniers liens avec l’histoire moderne, pour ceux qui lisent encore.

1. Vous aurez compris que Maximus veut dire « le plus grand ». Mais Pontifex ne veut pas dire « prêtre ». Un pontifex est un constructeur (facere) de ponts (pons). Souhaitons donc que le prochain pape en soit un.
2. Le pape actuel est sur Twitter. Son nom de compte: @Pontifex. Ah!

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